Le SCOT du Pic saint-Loup – Haute Vallée de l’Hérault va-t-il être annulé partiellement, pour “incohérence” ?

Ce jeudi 11 février, le tribunal Administratif de Montpellier tiendra une audience pour examiner un recours en annulation partielle du SCOT « Pic Saint-Loup Haute Vallée de l’Hérault ». Ce recours a été déposé en mai 2019 par l’association agréée SOS Lez Environnement, agissant au nom du Collectif Oxygène. Son libellé exact demande «l’annulation de la délibération du Conseil de la Communauté de Communes du Grand Pic Saint-Loup portant approbation du Schéma de Cohérence Territoriale Pic Saint-Loup Haute Vallée de l’Hérault  dans ses dispositions relatives au maintien du SIP Oxylane ». Comme le prévoit la procédure, à l’issue de cette audience (au cours de laquelle le rapporteur public communiquera ses conclusions) le jugement sera mis en délibéré et la décision du Tribunal – quelques jours ou semaines plus tard – pourrait bien donner raison à l’association requérante.

La Communauté de Communes du Grand Pic Saint-Loup, forte de 36 communes a approuvé son nouveau Schéma de Cohérence Territorial par un vote du Conseil de Communauté, le 9 janvier 2019.

Ce nouveau SCOT a été reconnu par de nombreux acteurs comme un document très vertueux sur le plan environnemental. Il porte notamment des objectifs ambitieux sur la préservation des surfaces agricoles et naturelles, puisque la consommation foncière sera limitée à 300ha – sur les 5 700 ha du territoire – soit une consommation foncière divisée par trois par rapport à la période précédente

Comment se fait-il, alors, que ce document d’urbanisme intercommunal fasse l’objet d’un tel recours ?

Quels sont les motifs avancés par l’association ?

Malgré l’avis de synthèse des services de l’État, demandant que ce projet de centre commercial soit retiré du SCOT, la Communauté de Communes a maintenu ce qu’on appelle un « Site d’Implantation Périphérique (SIP) » explicitement désigné comme bénéficiant au projet Oxylane porté par Décathlon.

Se faisant le porte-parole du collectif Oxygène dont elle est membre fondateur, l’association SOS lez Environnement estime que cette décision – approuvée par le Conseil de Communauté le 9 janvier 2019 – est inacceptable car elle est incohérente avec trois des quatre objectifs du SCOT. Sans rentrer dans les détails techniques, l’association fait notamment valoir deux arguments forts :

1°) Le maintien de ce centre commercial va urbaniser une quinzaine d’hectares de terres agricoles encore en exploitation et à valeur agricole forte à très forte. Alors que les documents du SCOT ont « classé » cette zone comme « espace agricole ordinaire », l’association démontre que ce classement ne repose sur aucun document. L’association fournit en revanche plusieurs documents officiels démontrant la valeur agricole forte à très forte de la zone. Or, selon les prescriptions du SCOT :

« Au sein des espaces agricoles à forte valeur et à très forte valeur : Aucun aménagement, construction ou urbanisation destiné à de l’activité économique, hors agriculture, n’est, en principe, autorisé ».

Le maintien du projet Oxylane dans le SCOT s’inscrit donc en contradiction avec cette prescription.

Serait-ce pour masquer cette contradiction que le document de présentation du SCOT a minimisé la valeur agricole de cette zone ? La question est en tout cas posée devant le Tribunal Administratif.

2°) Le maintien de ce centre commercial va conforter le déséquilibre déjà très fort entre le Nord et le Sud du territoire de la Communauté de Communes. Les documents du SCOT eux-mêmes indiquent que « l’offre commerciale en grandes et moyennes surfaces (commerces de plus de 300m2) est concentrée à 94 % sur le secteur Sud (polarité Saint-Gely, Saint-Clément)» alors qu’il ne regroupe que 55 % de la population du territoire. Pourtant, l’ambition affichée par le SCOT est de corriger ce déséquilibre entre les polarités Sud , Est (Saint Martin de Londres) et Ouest (Saint Mathieu de Tréviers). Or, à lui seul, le projet Oxylane mobilise 71 % de la surface maximale allouée par le SCOT aux extensions foncières des zones d’activités. Il en résulte que le déséquilibre au profit du Sud, qui existait avant l’approbation de ce SCOT, n’est absolument pas corrigé par le document approuvé.

Le maintien du projet Oxylane dans ce SCOT est donc en contradiction avec l’objectif de ré-équilibrage.

Depuis plus de 6 ans, le Collectif Oxygène n’a cessé de dénoncer le projet Oxylane. La dynamique de transition visant à préserver de l’artificialisation les espaces  naturels et cultivés va-t-elle être contrariée par le maintien de ce projet commercial d’un autre âge ? Cela contredirait les espoirs placés dans ce nouveau SCOT grâce à ses objectifs vertueux. A un moment où les risques liés à  la gravité du dérèglement climatique et les menaces qui pèsent sur la biodiversité et sur l’autonomie alimentaire sont perçus par une majorité de citoyen.ne.s déjà engagé.e.s ou prêt.e.s à l’être pour défendre ces enjeux vitaux, ne serait-il pas grand temps de redonner à ce terrain un avenir en phase avec les priorités territoriales actuelles ?

Ces arguments vont-ils convaincre la juridiction administrative de donner raison à l’association requérante ? L’audience du 11 février, puis le jugement qui s’ensuivra, nous donneront la réponse.

Cet article a déjà fait l’objet de plusieurs publications dans la presse : La Gazette Live, la Mule du Pape, Actu.fr Métropolitain.

Le Président de la communauté de communes, monsieur Alain Barbe, répond dans Actu.fr Métropolitain – sans toutefois aborder le fond :

La CCGPSL soutient-elle toujours le projet Oxylane ? : « Il s’agit d’un projet privé et communal ancien qui avait été validé par la commune sous l’ancienne mandature d’Alphonse Cacciaguerra… La collectivité n’a pas vocation à s’exprimer sur ces projets privés et communaux », tranche la CC du Grand Pic Saint Loup, présidée par Alain Barbe.

Pourtant, c’est bien l’intercommunalité qui a approuvé ce SCOT par délibération du Conseil communautaire du 19 janvier 2019 … Le Président se défausse un peu vite de ses responsabilités. Et, à la lecture de cette réponse, on peut se poser la question : qui soutient encore ce projet totalement dépassé ? Il semble que beaucoup d’élus de la Communauté de Communes ne soient plus très enthousiastes, voire carrément opposés, et plusieurs d’entre eux ont laissé entendre qu’aujourd’hui, ils ne le voteraient plus. Quant à la Métropole voisine, elle a plusieurs fois exprimé son opposition, de même que le département de l’Hérault. D’ailleurs, la ville de Montpellier, sollicitée en tant que commune limitrophe de Saint-Clément-de-Rivière pour donner un avis sur le projet de PLU de cette commune, a décidé de donner un avis défavorable en raison, justement, des dispositions du PLU autorisant  le projet Oxylane sur cette commune  (délibération votée au cours de la séance du 8 février du Conseil Municipal par 45 voix contre 1 et 13 abstentions). Le Maire et Président de la Métropole a aussi annoncé que la Métropole de Montpellier n’affecterait aucun crédit pour desservir ce projet.

Il est donc temps d’en sortir, de gré ou de force, grâce par exemple à des décisions judiciaires encore possibles (outre l’annulation partielle du SCOT, deux autres procédures sont encore en instance, devant la Cour Administrative d’Appel de Marseille, et devant le Conseil d’État), ou par une action résolue et courageuse des politiques et des services de l’État, ou par un soutien et des actions citoyennes encore plus déterminées.