L’enquête publique sur le projet de SCOT Pic Saint-Loup Haute Vallée de l’Hérault qui s’est déroulée du 17 septembre au 19 octobre 2018 a vu un nombre exceptionnellement élevé de contributions exprimer une opposition résolue et très argumentée au maintien du projet Oxylane dans ce document d’urbanisme. Ces oppositions faisaient suite à la demande du Préfet de l’Hérault de retirer ce projet commercial, exprimée dans l’avis de synthèse des services de l’État. Mais en dépit de ces oppositions, la commission d’Enquête publique a estimé « légitime le maintien du projet Oxylane dans le projet de SCoT ». Elle a toutefois nuancé ses propos en émettant une recommandation « pour demander à la CCGPSL de prévoir, en cas d’annulation des autorisations accordées au projet Oxylane, que le SCoT soit modifié, afin de classer les terrains concernés en zone strictement protégée, en pleine cohérence avec ses objectifs. » (voir notre article du 29 novembre 2018 ). Ce faisant, la Commission d’Enquête a reconnu l’incohérence existant entre les objectifs du SCOT et le projet Oxylane.
Le 8 janvier 2019, les élus de la Communauté de Communes du Grand Pic Saint-Loup ont approuvé le projet de SCOT, avec le maintien du projet Oxylane. Le Préfet, n’ayant pas formulé de remarques dans les deux mois qui ont suivi, le SCOT est devenu exécutoire le 9 mars 2019.
Ce document d’urbanisme est-il pour autant définitivement établi ?
Notre réponse est NON ! Et ceci, non pas pour des motifs purement « incantatoires », mais du fait que nous avons déposé un recours en annulation partielle de la délibération d’approbation du SCOT. Recours gracieux, d’abord, puis, devant le rejet de ce recours par le Président de la CCGPSL, recours contentieux déposé dans les délais le 10 juin 2019 auprès du Tribunal Administratif de Montpellier.
Quel est l’objet de ce recours ?
Précisément, notre requête (portée par l’association agréée SOS Lez Environnement) demande au Tribunal « de déclarer illégale la délibération du Conseil de Communauté du grand Pic Saint-Loup du 8 janvier 2019 portant approbation du SCOT Pic Saint-Loup Haute Vallée de l’Hérault dans ses dispositions relatives au maintien du SIP1 Oxylane et d’annuler en conséquence la décision du 26 mars 2019 rejetant le recours gracieux ».
Sur quels moyens nous appuyons nous ?
Notre argumentation pointe, en fait, les contradictions relevées entre trois des quatre objectifs du SCOT et la localisation du site d’implantation du projet Oxylane, à savoir le domaine des Fontanelles à Saint-Clément-de-Rivière. La décision attaquée est donc entachée d’erreur manifeste d’appréciation et méconnaît plusieurs articles du code de l’Urbanisme, en particulier l’article L.141-5 qui indique, en substance, que le Document d’Orientation et d’Objectifs (DOO), pièce maîtresse du SCOT, « assure la cohérence d’ensemble des orientations arrêtées dans ces différents domaines. » (en l’espèce : l’organisation de l’espace, le développement équilibré dans l’espace rural entre l’habitat, l’activité économique et artisanale, et la préservation des sites naturels, agricoles et forestiers).
En résumé, voici les principales contradictions relevées avec les objectifs n°1, n°3 et n°4 énoncés dans le PADD (Plan d’Aménagement et de Développement Durable) de ce SCOT.
→ Objectif n°1 : Préserver les valeurs fondamentales qui font l’image du territoire… l’agriculture, les espaces naturels, le paysage…
Cet objectif se traduit dans le Document d’Objectifs et d’Orientation (DOO) par la prescription suivante (chapitre 2.1.1, page 17) :
« Au sein des espaces agricoles à forte valeur et à très forte valeur : Le principe d’évitement doit être mis en œuvre en priorité : Aucun aménagement, construction ou urbanisation destiné à de l’activité économique, hors agriculture, n’est, en principe, autorisé ».
Pour contourner cette prescription, le SCOT considère la zone des Fontanelles comme « espace agricole ordinaire », en s’appuyant sur une carte du « Potentiel Agronomique sols à vocation agricole » et une carte de la « Trame agricole » , sans que soient mentionnés les éléments scientifiques ni les documents sur lesquels se sont appuyés ces cartes. Or, plusieurs documents et cartes, non mentionnés dans le SCOT, font apparaître clairement que le secteur des Fontanelles à Saint-Clément-de-Rivière constitue un espace agricole à potentiel agronomique fort à très fort : nous mentionnons des cartes officielles de la DRAAF et du CEMAGREF2 (Ministère de l’Agriculture), ainsi qu’une note technique du Département de l’Hérault (DGA DETIE, Service Filières Agricoles) dont il ressort que « les sols de la zone du Projet Oxylane présentent un potentiel agronomique principalement fort à très fort (sur environ 80% de la zone). », ainsi qu’une étude géo-pédologique de la zone réalisée par un ingénieur agronome de l’INRA, co-auteur de nombreuses publications sur les sols, concluant lui aussi ; « Nous avons là, en excluant les collines boisées, des sols de qualité qui peuvent porter toutes les cultures traditionnelles (annuelles ou pérennes) ou maraîchères. Si l’on fait référence aux autres sols méditerranéens, ceux-ci peuvent supporter la comparaison haut la main, notamment dans la réserve en eau (RU) élevée à très élevée, provenant d’une grande profondeur, mais aussi et surtout d’une texture riche en argile qui est gage de rétention hydrique et de réserves fertilisantes ».
Le 4 juin 2019, lors d’une rencontre avec MM. Barbe, président de la Communauté de Communes, et Al Mallak, vice-président chargé de l’élaboration du SCOT, nous avons demandé que nous soient transmis les documents scientifiquement attestés qui justifieraient le classement de la zone en « espace agricole ordinaire ». Ceux-ci ne nous ont jamais été fournis, et, avec l’association France Nature Environnement, nous avons saisi la CADA (Commission d’Accès aux Documents Administratifs). Sans retour à ce jour.
→ Objectif n°3 : S’appuyer sur les potentialités du territoire pour asseoir le développement économique.
Le document de Diagnostic Socio-économique pointe à plusieurs reprises le déséquilibre qui existe entre les territoires situés au Sud (zone péri-urbaine de Montpellier) et les autres : « Le Secteur sud du territoire concentre 94 % de l’offre en grandes et moyennes surfaces (commerces supérieurs à 300 m² de surface de vente), et le Secteur Est les 6% restant » alors que le Secteur sud n’accueille que 55 % des habitants .
Le document d’Évaluation Environnementale, expliquant les choix retenus lors de l’élaboration du PADD et du DOO, confirme que ce diagnostic :
« a mis en évidence un manque de cohérence dans la structuration de l’armature urbaine du territoire générant un développement déséquilibré ». Or, « la structuration du territoire est un élément central dans la mise en cohérence de l’aménagement du territoire, de son développement urbain et économique, en équilibre avec les autres enjeux du territoire ». En conséquence de quoi, « S’appuyer sur les communes du Sud – qui sont les plus attractives – aurait conduit à encourager et faire prospérer le phénomène de pression foncière ».
Or, que prévoit le DOO ? Ce document « établit un objectif de 60Ha d’extension foncière maximum, permettant un petit développement à horizon 2030. » Mais, sur les 60ha d’extension foncière maximum dévolus aux activités économiques, 48ha sont attribués aux seules communes de Saint-Clément-de-Rivière et Saint-Gély-du-Fesc. Ce qui ne laisse que 12ha, maximum, pour les extensions foncières des pôles Est et Ouest. Le cas de Saint-Clément-de-Rivière est particulièrement frappant : cette commune bénéficie déjà d’un important centre commercial, Trifontaine, qui est « la zone commerciale la plus importante du territoire ». Avec le SIP Oxylane, elle renforce encore son hégémonie commerciale : les 24ha qui seraient consommés par ce SIP réduisent considérablement les possibilités sur le reste du territoire : à lui seul, le SIP consommerait plus du tiers des 60ha maximum alloués à ces extensions/créations sur l’ensemble du territoire (soit 71 % des 38,2 ha supplémentaires mobilisables pour le foncier commercial).
Ainsi, les prescriptions du Document d’Orientations et d’Objectifs permettant le maintien du SIP « Oxylane » sont en contradiction avec l’objectif n°3 du PADD (Plan d’Aménagement et de Développement Durable).
→ Objectif n°4 : Organiser la mobilité pour limiter les déplacements automobiles et faciliter le report modal
Selon le PADD du SCOT Pic Saint-Loup Haute vallée de l’Hérault, « l’identification des localisations préférentielles pour le développement commercial répond à plusieurs objectifs » propres à préciser l’objectif général de limitation des déplacements automobiles, et notamment :
« Favoriser le développement de l’offre commerciale dans des secteurs bien desservis par les différents modes de transport, […] Le Projet d’Aménagement Commercial Durable affirme cet objectif de polarisation de l’offre commerciale dans des localisations préférentielles qui seront identifiées dans le DOO afin […] de réduire les déplacements motorisés liés aux achats, »
Dans le DOO, les prescriptions censées mettre en œuvre ces objectifs sont peu nombreuses. Elles précisent « les conditions permettant de favoriser le développement de l’urbanisation prioritaire dans les secteurs desservis par les transports collectifs » par exemple :
« Les équipements d’intérêt supra-communal devront être implantés à proximité des axes structurants du territoire du SCoT, notamment ceux supports de transports en commun et de dessertes pour les modes actifs. » . Et pourtant, le SIP « Oxylane « , bien que considéré comme un équipement d’intérêt supra-communal, ne respecte pas ces conditions : il ne bénéficie d’aucune desserte satisfaisante en transports en commun (arrêt « Campus de Bissy : 5 à 7 passages par jour de la ligne 614 du réseau « Hérault Transport »). Il n’est pas non plus connecté au réseau cyclable existant : la RD 986 (assurant la liaison avec Saint-Gely-du-Fesc) est dépourvue de tout équipement cyclable, et sa configuration en 2 fois 2 voies la rend totalement inadaptée à la circulation cycliste, la RD 127 E3 (assurant la liaison avec le reste de la commune de Saint-Clément-de-Rivière) n’est équipée de bandes latérales non protégées que sur une petite partie de son parcours. Les projets d’amélioration ne sont pas précisés dans le SCOT, ils sont d’ailleurs très incertains : les transports en commun comme le réseau cyclable sont, sur le territoire du Grand Pic Saint-Loup, de la compétence respective de la région Occitanie et du Département de l’Hérault. Ces projets seraient donc conditionnés à l’aboutissement de négociations entre la CCGPSL et la Région ou le Département.
La localisation du SIP « Oxylane » est donc en contradiction totale avec ces objectifs et ces prescriptions.
Où en est la procédure ?
Depuis le dépôt de notre requête, le 11 juin 2019, la Communauté de communes n’a encore fourni aucun mémoire en défense. Son avocat vient d’être mis en demeure de le faire, le 6 novembre, dans un délai de 30 jours.
Nous attendons avec sérénité les arguments de la Communauté de Communes !
Quelles seront les conséquences ?
Si le Tribunal Administratif – voire la Cour Administrative d’Appel le cas échéant – nous donne raison, la délibération d’approbation du SCOT sera partiellement annulée. Cette annulation obligerait la Communauté de Communes à réviser le SCOT, en retirant le projet Oxylane de ce document. De plus, cette annulation partielle rendrait justice aux centaines de personnes qui se sont exprimées contre le projet Oxylane lors de l’enquête publique sur le SCOT, en pointant ses incohérences, et dont l’avis n’a pas été entendu.
Est-ce que cela serait suffisant pour empêcher le projet de se réaliser, si les autres recours (permis d’aménager, autorisation préfectorale « loi sur l’eau ») n’aboutissaient pas ? Juridiquement probablement pas ! Mais ce jugement constituerait un désaveu sévère des élus du Grand Pic Saint-Loup, ayant approuvé ce Schéma de Cohérence Territoriale devenu incohérent,
Et ce serait, de toute façon, une reconnaissance supplémentaire du bien-fondé de notre combat, mené depuis plus de cinq ans.
En attendant la réponse (d’ici quelques mois?) restons mobilisés.
Continuez et amplifiez votre soutien (pétition, souscription, actions citoyennes, etc), pour sauver ces terres agricoles de proximité, qui sont notre bien commun.
1Site d’Implantation Périphérique